Citoyen et élu grenoblois, je vous prie de trouver ci-dessous l’exposé de mon avis défavorable sur l’utilité publique de donner un permis de construire au projet de centre commercial « Neyrpic » à St martin d’Hères.

L’argument n°1 qui fonde mon avis est que la création d’un nouveau grand centre commercial sur notre agglomération – quel qu’il soit et où qu’il soit – m’apparaît incompatible avec la tenue des objectifs du Plan Air Energie Climat (PAEC) du territoire de notre Métropole.

Je rappelle que ce plan prévoit depuis 2014-2015, des objectifs plus volontaristes que précédemment, en référence 2005, pour se mettre en conformité avec les objectifs du Schéma Régional Climat-Air-Energie (SRCAE) adopté en 2014 par le Conseil régional :

• Emissions de GES : – 35 % en 2020 et – 50 % en 2030

• Consommation d’énergie par habitant : – 30 % en 2020 et – 40 % en 2030

• PM10 : – 40 % en 2020

• NOx : – 65 % en 2020 (polluant relevant essentiellement du trafic véhicules)

En pratique, l’atteinte à court et moyen terme (2020-2030) de ces objectifs repose principalement sur la diminution des émissions CO2 et polluants du secteur du transport de personnes et des marchandises, considérant que des évolutions sensibles sont déjà en cours et significatives par ailleurs dans le domaine industriel/artisanal (efficacité des procédés) et des bâtiments (isolation, dont programme Mur-Mur, et sobriété constructive).

L’effort considérable restant à faire sur le secteur du transport découlera partiellement de l’évolution technologique des motorisations (électrique et gaz), mais surtout d’une autre organisation de l’espace urbain avec une proximité retrouvée entre lieux de vie, de travail, d’éducation et de loisirs. Autrement dit, il importe de réduire les déplacements « obligés » en relocalisant les activités productives dans les zones urbaines et en soutenant les commerces de ville, de proximité et d’artisanat encore existants.

Ce modèle des grands centres commerciaux, hérité des décennies passées, est d’ailleurs critiquable par la place faite à la voiture, même si, dans le cas présent, des lignes de tramways passeront à proximité. Le projet prévoit un parking gigantesque de 850 places à Neyrpic et un flux d’au moins 4 800 véhicules de plus par jour (selon l’étude impact p 149). L’impact sur la pollution de l’air n’est pas précisé dans le dossier, ce qui est un manque grave, au regard de l’incidence sanitaire de la pollution de l’aire dans notre région urbaine, comprise entre 100 et 150 décès anticipés par an, selon les épidémiologistes.

L’argument n°2 motivant aussi mon avis défavorable est la non compatibilité du projet avec la stratégie métropolitaine d’adaptation au changement climatique. Cette politique d’adaptation repose d’une part sur le constat de canicules estivales de plus en plus fréquentes et, d’autre part, sur la grande vulnérabilité sanitaire de notre agglomération, vu sa « minéralité » et l’importance des surfaces imperméabilisées. Or, ce projet est totalement défaillant sur le plan de la végétalisation et de la gestion des eaux pluviales. Le projet « NEYRPIC » n’intègre nullement les attendus de l’urgence climatique face à la récurrence des épisodes de grandes chaleurs estivales, avec son bilan sanitaire inacceptable vis-à-vis des personnes vulnérables, principalement les personnes âgées. En conséquence, tout projet nouveau d’urbanisme doit réserver une large place à l’eau et à la végétalisation, au minimum 25 à 30 % des surfaces au sol concernées. L’agence de l’eau (AERMC) demande que pour chaque m² bétonné, 1,5 m² de surface de pleine terre soit prévu en compensation.

Enfin, mon argument n°3 porte sur la saturation des grands centres commerciaux et la nécessaire revitalisation des centres-bourgs. Il m’apparaît de la plus haute urgence stratégique de revitaliser les centres-bourgs et les pôles ou secteurs commerciaux existant dans les rues historiques des cités de notre agglomération, plutôt que de créer des centres nouveaux sur les modèles de Comboire, de Grand Place, de Saint-Egrève ou de Meylan, voire de la Caserne de Bonne sur Grenoble, etc.

Ces centres commerciaux voient d’ailleurs leurs chiffres d’affaires globalement stagner, signe d’une saturation de l’équilibre offre-demande, et tout projet nouveau du type NEYRPIC ne pourrait que déprimer économiquement la situation actuelle, sans bénéfice réel pour les consommateurs.

Sur le plan légal enfin (hiérarchie des documents), ce projet n’est pas compatible avec le SCOT 2030 de notre région urbaine et le Document d’Orientation et d’Objectif (DOO, p 304 à 311) du SCOT. Dans l’étude d’impact (pages 151 et 152) il n’y a pas d’étude d’impact sur les autres centres commerciaux de l’agglomération. Le périmètre d’influence de ce projet n’est pas non plus conforme au SCOT pour cette commune qui limite à 4 000 m² l’accroissement de surface commerciale possible (p 312-313 du DOO du SCOT).

En revanche, je reconnais que la création d’une centralité de SMH sur ce site apparaît une perspective nécessaire et pourrait se coupler avec la création d’activités secondaires de production, qui font grand défaut dans notre agglomération, et serait en phase avec la culture ouvrière et l’histoire de SMH.

Ces activités pourraient tourner autour des métiers et d’activités de la rénovation énergétique des bâtiments et des logements (un chantier métropolitain de plusieurs décennies et d’un montant potentiel de plus de 2 milliards d’euros !), en valorisant les travaux de R&D du campus universitaires proche : le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment, l’INP PG sur les énergies, l’IAE sur la gestion et le savoir-faire commercial, etc.). Une activité de production d’isolants à base de fibres de bois ou de chanvre du Trièves pourrait aussi être envisagée, etc. Sans compter la proximité de la Maison du climat et de l’énergie où sont hébergés actuellement l’ALEC, l’AGEDEN et Atmo AURA.

De très belles alternatives au projet présent sont donc possibles et souhaitables, tant pour SMH et son attractivité, que pour notre métropole en général.

Vous souhaitant bonne réception de mon avis, veuillez recevoir mes salutations distinguées.